La théologie du corps : exigeante ou idéaliste ?

Blanche Neige
En réponse à un article paru dans La Croix du 24 mars qui fait peser le doute la théologie du corps au motif qu’elle présenterait une vision trop idéalisée de la sexualité et qu’elle ferait ainsi le lit des abus sexuels, le Père de Kergorlay, aumônier de prison, nous autorise à publier sa réaction qui en manifeste au contraire toute la pertinence spécialement à l’égard des personnes qui sont le plus blessées dans leur sexualité. Nous le remercions sincèrement de cette remarquable réponse à des attaques injustifiées.

Le journal La Croix, qui me semble de plus en plus partisan, publie une tribune aujourd’hui selon laquelle la théologie du corps de Jean-Paul II serait « audacieuse mais idéalisée ».

Idéalisée, vraiment ???

Pendant 11 ans, j’ai été aumônier de prison et ai rencontré des dizaines, voire des centaines de délinquants sexuels. Et, pour les accompagner, rien ne m’a été plus utile que cette théologie du corps, fondée sur la Bible. Je ne suis pas un intellectuel comme l’auteur de la tribune de La Croix, Élodie Maurot, mais quand on assiste spirituellement des délinquants, on a besoin d’arguments pratiques et profonds à la fois. C’est ce que j’ai trouvé chez Jean-Paul II. Il faut arrêter de taxer d’idéaliste une parole exigeante par amour. Sinon, tout est permis.

Avec des gens sans repères sexuels, j’ai eu besoin de poser des exigences structurantes et la « théologie du corps » de Jean-Paul II m’a permis d’avoir un discours vrai et pratique. Et je lui en garde grande reconnaissance. Qu’on se le dise.

Le coup de génie de Jean-Paul II, me semble-t-il a été de parler de la sexualité, non pas en définissant l’être humain d’abord, puis l’homme masculin, puis la femme mais le couple immédiatement à partir de la relation « homme-femme » (Gn 1,27).

Il n’y a pas de virilité en soi, ou de féminin en soi.  Bien des discours féministes ou masculinistes sont mortifères, car ils isolent les sexes ou les genres, cherchant à les exalter pour eux-mêmes.

C’est la relation homme-femme qui est fondatrice et structurante de l’humanité, selon la Bible. Et même la solitude peut y trouver son sens.

La sexualité ne se mesure ni au plaisir ni à la jouissance ni même au désir, mais à la vérité du don de soi à l’autre.

Quand des garçons violent une fille dans une « tournante », on s’aperçoit en fait que pour eux la femme n’existe que comme objet. Ils ne voient que leur propre virilité, qu’ils sont fiers de manifester et de satisfaire. Ils n’ont aucune conscience que leur masculinité n’existe que dans un « vis-à-vis » (Gn 2,18). Le masculin seul n’existe pas. Le féminin seul n’existe pas. La sexuation de notre corps est d’emblée tournée vers une relation paritaire, qui n’est pas que génitale, mais qui est un « vis-à-vis » personnel.

Différents et complémentaires, l’homme et la femme ne se définissent que par cet échange, cette correspondance, cette « sponsalité » dont parle si volontiers Jean-Paul II.

Et elle oriente tout l’être humain vers Dieu : « Dieu créa l’être humain à son image : homme et femme Il les créa. » (Gn 1,27).

Dès lors, l’altérité homme/femme devient essentielle et fonde le sens biblique de la sexualité.

Il est clair qu’à partir de là, toute pratique sexuelle qui ne tient pas compte de cette structuration première perd son sens spirituel, notamment les conduites LGBTQ+. La vraie liberté humaine ne s’épanouit que dans un consentement au corps sexué, tel que Dieu nous l’a confié, et non pas tel que nous le décidons arbitrairement. On est évidemment aux antipodes de la philosophie homosexuelle de Judith Butler ou des théologies queer, qui refusent toutes normes pour exalter les choix individuels et les histoires singulières.

C’est pourquoi la « théologie du corps » est attaquée aujourd’hui. Le synode allemand voudrait « bénir » toutes les conduites possibles entre adultes consentants, sans référence à des normes bibliques, structurantes et transcendantes. Là commence le schisme.

Sans lien direct avec la « théologie du corps » de Jean-Paul II, un tout récent commentaire scientifique du Chapitre 2 de la Genèse en conforte cependant les conclusions : « Sexuation, parité et nuptialité dans le second récit de la Création » d’Hélène de St-Aubert, Cerf, Février 2023 : L’auteur montre comment la sexuation de l’être humain est la fondation et la garantie de la parité dans l’altérité entre l’homme et la femme, selon la Bible.

Philippe de KERGORLAY, prêtre, aumônier d’hôpital, ancien aumônier de prison et de psychiatrie

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