N’est-ce pas en demander trop à ce rapport et finalement en faire trop peu ? N’est-ce pas oublier le fond de la question qui réside dans le sens de la sexualité humaine dont l’Église possède les clefs ?
On attendrait aujourd’hui de nos pasteurs qu’ils prennent à bras le corps le trésor dont dispose l’Eglise sur les questions de sexualité depuis que saint Jean-Paul II a donné son enseignement mémorable sur la théologie du corps. C’est là que réside le vrai remède au drame des abus : dire haut et fort, enseigner à temps et contretemps, que la sexualité humaine est ordonnée à exprimer le don de soi, dans le mariage comme dans le célibat consacré. Or sur ce point, on ne perçoit qu’un silence terrible, honteux et pitoyable.
Quand enseignera-t-on la théologie du corps dans tous les séminaires ? Quand la proposera-t-on vraiment dans la pastorale du mariage et des vocations ? Quand entendra-t-on des prêtres oser prononcer dans leurs prêches le mot « sexualité » sans en rougir de confusion ? Quand nos évêques diront-ils d’une seule voix que l’Église possède les clefs d’intelligence de la sexualité et que son seul tort est de ne pas en avoir parlé assez tôt, alors que la prétendue « libération sexuelle » divulguait ses mensonges et ses illusions ?
Peut-on sérieusement appeler des jeunes au célibat sacerdotal qui est une richesse de l’Église latine – un « don » a dit récemment le pape François – sans leur montrer la grandeur et la beauté de l’offrande de leur sexualité pour leur permettre de la vivre en vérité ? Peut-on imaginer un seul instant qu’à ne pas s’attaquer aux causes profondes des abus – la méconnaissance du sens de la sexualité – on parviendra à juguler le phénomène ? Il y faut simplement du courage et de l’audace.
Dissimuler les abus sexuels pour préserver l’institution ecclésiale était certainement coupable et il faudra que les responsables répondent de ce péché. Mais ce qui est encore plus coupable aujourd’hui, c’est de laisser la lumière dont dispose l’Église sur la sexualité sous le boisseau.
Yves SEMEN, Président
* Cet éditorial reprend des extraits d’un article paru dans La Nef n° 346 – Avril 2022